Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

31 décembre 2005

MOTS SYLVESTRES

Un beau matin elle décida d’apposer le sceau

Il lui fallait pourtant rêver avant que d’entreprendre

Alors elle replanta l’arbre
Se disposa à la fleur
Prépara l’étape

A l’évidence la marche avait besoin de bornes-témoins

Paysage, Voyage, tendirent leurs besaces
Reçus en bonne et due forme
Dons en espèces

Désormais le chemin était pris
Comme elle

Je l’ai revue quand elle atteignit l’autre versant

Contente de la voir passer outre, même en geignant

N’était-elle donc partie que pour mieux revenir ?

LA VIE NEUVE : ainsi s’appelait le chemin
Ainsi l’atteste le cadastre

Depuis des lustres et des lieues
(mais il fallait partir pour le savoir)

Croix de bois ! Croix de fer !
Elle n’ira pas en enfer

Chaque aubépine
Chaque églantine
L’inséparable fritillaire
Chaque instant

Bêtes et gens en place
Bords qui bordent
Murs qui murent

Pour qui ? Pour quoi ?

Un point, est-ce tout ?

Le centre enroulé sur lui-même ?

Quatre directions cardinales en jaillissent !
Pour couler : le fleuve
Pour fonder : les pierres
Pour apprendre : la terre
Pour parfaire : la saison

Aux quatre orients : le cœur et le livre

Vous qui l’accompagnez
Alleluia !
LES CHEMINS MARCHENT

30 décembre 2005

MOTS-QUETE DES MOTS-NEIGE


Jeu de mots que me sert Pierre ( ah ! ah !)
Mots-quête, Enquête.
Mots lancés, de jour et de nuit, à la recherche d’un écho
En moi, en vous que je tente d’atteindre, de frôler … que j’espère attirer vers mon souffle éveillé, que je voudrais souffler au néant de votre absence, de votre éloignement, de votre sommeil, de votre irréductible différence
Alors SOUFFLER serait JOUER

Mots-échos, écolomots* …

Ma passion, mon tourment sont venus en 1978 de la secousse sismique quand une voix s’est tue avant de m’avoir tout dit, irrémédiablement muette de mes échos et de mon questionnement
Elle avait eu beau tonner fort, se répéter, s’impatienter, persévérer dans son adresse Bon Dieu de Nom de Dieu de Bon Dieu, elle n’eut pas de réponse. A moins que …

La toile actuelle où je m’infiltre avec tous mes mots-aiguille, anguilles, n’a pas plus de réalité que des pages, des lignes, des fils déjà tendus …
Pourtant je veux y croire, j’en ai besoin
I want, c’est-à-dire I lost, I need « Waste makes Want »

Je vais laisser la boîte à mots fermée pendant la trêve des confiseurs, cadenasser le tronc d’église, tenter d’oublier la clé, ne pas attendre la manne …
Marcher, courir vers les mots sans parade, sans mystérieuses connexions, bruts de décoffrage, foie gras, choux gras, choux fleurs, fractal éventuellement …
« Il y a deux sortes de gens.
Il y a ceux qui vivent, jouent et meurent.
Il y a ceux qui ne font jamais rien autre que de se sentir en équilibre sur l’arête de la vie » ( « Neige » Maxence Fermine)

Bonne traversée amis funambules !

*Ecolomots : « qui étudient les milieux où vivent les êtres vivants ainsi que les rapports de ces êtres avec le milieu, espérant découvrir quelques protections, quelques certitudes. »

29 décembre 2005

LES EFFRONTES

Les effrontés du langage
Entrent en gare
Quand les trains fatidiques
En sont déjà sortis

Accrochés aux barreaux sans cage
Oscillent
Entre les mots-vitraux fleurons des cathédrales
Et les éclats de verre à moutarde
Sur les carrelages publicitaires

Les effrontés du langage
S’affrontent
Sur le fil
A déjouer du vide les puits sans chaîne
Les miroirs sans mirages
Et, les yeux tôt levés,
Découvrent
Au double-fond des mots
L’envers de leur regard

28 décembre 2005

MOTS/INVENTAIRE


INVENTAIRE / MOTS

Un vent
qui sait
La terre
qui tait

Des mots
la trace
des pieds nus
****
qui tombe(nt) à pic

Sur la nuit froide embroussaillée un clair de lune
L’échéance annoncée recule son halo

Quatre murs, une chaise, la lampe, la pendule

Des mots qui battent la semelle
et se décident, finalement
à entrer dans l’enclos

Du bord de la falaise, envolée, une plume
Oie ? Oiseuse oiselle ? Bel oiseau ?

****
qui n’en reste(nt) pas là

L’invitation en blanc propose sa vacance
A peine du crayon la pointe affûtée
retient l’envie d’attendre
encore
un bruit de pas
sur le papier

On dit qu’elle pleure l’automne
que le vent bêle, que l’agneau siffle...

On dit....
Tant de on-dit qui se promènent !
****

Qui appelle(nt ) à l’aide

Eh ! Vous là-bas!
Siouplait ! Du scotch !
Un pinceau ! Des ciseaux
Des pleins et des déliés !

Que diable !
Tenez-vous informé(s)
Inter alliés Inter âges Inter marchés
Un peu de logique ! Des logiciels !

A la télé
A la R A T P
A la rescousse


Allah est grand et Internet est son prophète
****
rayé(s) des cadres

Sinon
Quoi qu’il en soit
C’est trop tard
La revanche
... primatologues ... schizophrénie ...
... arborescences ... Incompétences ...

Au paradis céleste
r-émiste chômeur S D F
ni esclave ni maître
Dieu raye à dieu le Dé majuscule
les trois pucelles de voyelles.

Il n’émarge plus au dictionnaire.
****
tombé(s) en désuétude

Cabriolets brinquebalants
mirlitons mirifiques
accordailles époustouflées
belles dames et beaux messieurs aux perruques poudrées

Au clavecin fermé résonnent les sonnailles
la noce dans les chants de blé
désagrège
les lointains échos du manège

J’ai deux grands bœufs dans mon étable
Le toit de ma grange est troué

***
qui ne fait(font) de mal à personne

le soleil la plage
l’infini les nuages
le temps les roulis
la montagne est belle
pourtant mais aussi
cerises d’amour des grappes d’abeilles

et les phalènes oh ! les phalènes !

“ C’est bon pour toi
Mange tes brocolis !”

***
qui en voit(ent) de toutes les couleurs

Nyakundu
nyakundu everywhere
para ti y para you
en swahili en soie ou pierre
nyakundu
aoi halloween
vers luisants luciférines
Comme les mots brillent !
Comme leurs couleurs écarquillent
les yeux !
“Le ciel est bleu”
mais le I rouge et le E blanc ?
C’est Rimbaud le maître du feu ?
L’envers des saisons en enfer ?
Nyakundu everywhere ?

lucéférine: substance chimique
nyakundu= marron, jaune ou rouge en swahili
aoi : Le japonais ancien ignorait le bleu,
aoi= couleur du bleu au vert, au violet
***

Sur la pointe des pieds s’en vont

Amarré(s)
sent(ent) dans les chaînes de fer
l’espoir tendu de la voile

Envolé(s)
retient(nent) le souffle
pour que le départ s’ouvre
au retour des alizés
***
MOT / INVENTAIRES

Mottes
Labours
Invente
Insère
LIVRE !

27 décembre 2005

MOTS POUR L'HIVER


Elle ne savait pas bien lire
pas bien lire, pas bien écrire
mais elle savait des poèmes
les secrets

Elle n’avait pas eu de chance
A vingt ans : pas d’assurance
Et un fauteuil roulant
à rouler

Parfois derrière la fenêtre
Quand le froid était le maître
Quand Satan seul était dieu
sans cadeaux

Elle rêvait d’une autre vie
où elle caressait l’échine
de trois lapins, d’un cheval
à brosser

Dans un pré de marguerites
elle agitait son courage
elle refoulait ses orages
à pleurer

Et elle posait sur la table
un verre d’eau, quelques pétales
l’espoir de continuer
pour savoir

Comment finirait la guerre
En un grand feu du tonnerre
ou bien dans un champ doré
à Saint Nizier

Elle ne savait pas bien lire
pas bien lire, pas bien écrire
mais elle savait du poème
le secret
Après-midi du Jeudi 30 Mai 1996
Atelier d’écriture à Grenoble
Une femme se met à parler

26 décembre 2005

MOTS PLUS HAUTS


Ne jamais dire –disaient-ils-
Un mot plus haut que l’autre
Et j’étais attentive
A regarder les mots
Sortir horizontalement de leur bouche

Je perdais de vue
La portée des miens
Mais m’obstinais à répéter les gammes des autres

Arbitrairement
Sur foi de la rumeur publique
Je classais arbres selon feuilles et racines
Eaux et oiseaux selon leurs lits,
Couchais les verticales sur papier glacé

Quelle escalade !
Quelle confrontation ! Quel vacarme !
Lorsque les mots se mirent à dire tout haut
Ce qu’ils pensaient tout bas.
La terre bascula dans le ciel.
à ma hauteur
Juste à ma hauteur.

25 décembre 2005

MOTS QUI M'AILLENT

Il m’arrive parfois de dire
des mots qui m’aillent
qui m’aillent bien au teint
qui aillent à mes entrailles
qui aillent à mes sandales
blanches
malgré la poussière du chemin

Je ne sais après coup
pourquoi ma tête les répète
mes poumons les respirent
mes pieds reprennent leurs cadences

Mais je sais pour danser
accorder leurs violons

Ce sont des mots souvent
si fatigués du monde
qu’ils se sont retirés
des marchés et des gares
ou qu’on les a bannis
pour leur modeste port.
C’est un honneur
de leur laisser ma porte ouverte.
Et s’ils choisissent de rester
c’est un honneur
de reconnaître en eux le ton de mes ancêtres
où peut encore s’entendre

l’urgence du bon pain

et la sieste sous le platane.

24 décembre 2005

MOTS FRANCAIS


Aux stagiaires immigrés en apprentissage de Français qui m’offraient des cadeaux exotiques quand je leur faisais présent des mots quotidiens

J’ai à vous dire bien sûr
Les reflets et les larmes
J’ai à vous dire bien sûr
Comment se lever tôt
Pour descendre au jardin
Cueillir le coquelicot
Le rouge du drapeau
Et la plainte des roses

J’ai à vous dire encore
Ce blanc de marguerite
Qu’on effeuille au printemps
Dans les cœurs de Chez Nous
Pour retrouver le ciel
Que vous avez perdu
J’ai à vous dire bien sûr
Les nuages qui passent

Faites-en des ballons
Légers comme colombes
Bavards comme pinsons
Et bleus comme l’espoir
Et jetez-les bien fort
Aux mains de vos enfants
Pour déjouer la mort
Et reprendre racines

Dans ce pays dont j’ai
Reçu les mots, l’histoire
Dont j’ai jusqu’à plus soif
Bu les meilleures eaux
Je voudrais vous donner
Ce qu’il a de plus beau
Pour que vous lui rendiez
La joie d’un avenir

Pour que vous lui rendiez
La joie d’un avenir

23 décembre 2005

ENVERS DES MOTS


Sur ce double effleuré
Sur ce visage en creux
Laisse aller la lumière

Laisse venir parfois
A l’envers de tes mots
Le sourire de ta voix

Qui ne sait pas que dire
Mais qui cherche pourtant
L’écho d’une musique

Descendre lentement
Au sous-sol de la nuit
Histoire de l’explorer !

22 décembre 2005

TANT CRIE-T-ON ... LES MOTS


Tant crie-t-on Noël qu’à la fin il vient
J’ai crié Noël et ne l’ai point vu
J’ai crié « Janvier Ô vite ! Apparais ! »
Noël était là, point ne le voyais

Aux Noëls anciens, aux Janviers nouveaux
Je hèle Noël qui viendra bientôt
J’appelle Janvier qui viendra peut-être
Quel jour, dites-vous, un enfant va naître ?
22-4-1981

21 décembre 2005

MOTS DE PAPIER

Il y a des mots de papier
qui ne savent où donner de la tête
Des mots quoi ! Rien que des voyelles
assorties aux assiettes à fleurs.
Et derrière ces mots la musique
-Savoir d’où viennent les violons ?-
qui insiste, rabâche, répète …
Obstinément cogne à ma tête
comme à mes pieds le rigodon
Des mots sur portée de pirouettes

Car ils n’ont rien à dire les mots
Rien à extraire, rien à comprendre
Allons les coucher sans attendre

Les mots peut-être se tairont.

20 décembre 2005

LE FIN MOT





LE FIN MOT DE L’HISTOIRE ?

Ils restent là bloqués
Ils sont là derrière la porte
Les mots étroits et prisonniers
Les mots qu’on voudrait tant trouver
Les mots magiques, les mots mystère
Qui sauraient nous réconforter.

Vaguement par lueurs pâles
Quelquefois ils viennent éclairer
Puis s’en vont sans lever le voile
Et nous restons sur le pavé

Sacrés mots ! Mots sacrés bonhommes
Mots que nous avons inventés
Mots dont nous sommes prisonniers
Mots prisonniers de nous pauvres hommes
Mots trop faibles ou trop fatigués
Mots trop dits ou trop peu usés
Mots valets et mots empesés
Que faut-il pour nous retrouver ?

Qui trouvera la clé des songes
La clé de l’armoire à secrets
La moelle à la tige mêlée
La chair à l’âme redonnée
Le mot à la bouche lié
Le mot à mot, ouvert et protégé
Le mot que l’on échange à table
Contre un peu de pain et de vin
Le mot juge et le mot témoin
Le maître mot et le mot fin

Merci à Violette d'avoir trouvé le mot qui fait chaud au coeur

19 décembre 2005

MOTS DOUX

Je garde tout ou presque des mots des autres : lettres, citations en cahiers, passages cochés par le crayon dans les livres, blogs eux-mêmes que je tire sur papier pour les plus essentiels. Quand un hasard (?) me fait retrouver ce beau cadeau des mots de Danielle, je bénis le hasard.
J’avais écrit un recueil intitulé « ENTRE LES MIROIRS » Deux tirages à ce recueil : 1- page de gauche : mon texte en caractères d’imprimerie, page de droite, écrit de ma main, un texte d’auteur. Le titre venait de Virginia Woolf.
2- page de gauche idem, page de droite restée blanche. Danielle assortit sur cette page soit un texte d’auteur, soit un de ses propres textes, page à page, pour l’ensemble du livre, et me le donna. Cadeau inestimable. Tout comme sa lettre dont j’extrais ce passage.

«
La loue une fois de plus, la maison qui penche vers les mots doux

"Ce matin Belledonne est resplendissante, elle déchire le ciel, pour quoi ces ribambelles ? Pour qui cette majesté ?
Hier la terre a encore tremblé, mais moins fort, l’as-tu sentie Gisou dans ta maison toute de guingois ? Ta maison qui a courbé l’échine pour garder le souvenir des femmes qui l’ont habitée. C’est une maison de mots maintenant, de mots ouverts … de mots à concasser, à grignoter, à fendre, à cajoler … Des mots, on en voit sur les granges, les peupliers, les outils rouillés, ils sont là partout, même pas gênés, à l’aise dans le paysage.
Pays âge – Paysanne – Pays âme des mots tu es, douce-amie. Continuez Pierre et toi à cuire l’ovale des mots pour nous les donner tout chauds, là près du cœur - ce vide parfois -" Danièle

18 décembre 2005

MOTS ROSES ET BLEUS


Tu me diras lesquels mots bleus
tu as cachés dans l’arbre à sel
puisqu’un seul souffle de ta voix
a fait fondre les fleurs de gel.

Tu me diras quand l’été vient
pourquoi les dahlias ont des ailes
et volent avec les papillons
jaunes et blancs sur ton gazon.

Quand nous serons si bien lotis
que la maison sera ouverte
sur les enfants de nos petits
tu me diras lesquels mots roses

annoncèrent la métamorphose.

17 décembre 2005

MOT ROSE


Nazim Hikmet
Ma main droite sur ma table
Si je l’appelais, m’écouterait-elle ?
Ma main droite sur la table
Bonjour ma main droite, bonjour !
( Paris, ma rose 1858)
****

Ma main droite m’est revenue, s’est souvenue de la rose de La Loue. La Loue, ma rose.

A chaque printemps
Comme à chaque automne
Coincée entre vitre et volet
Le rosier m’envoie une rose

Rose venue d’un temps jadis
Rose sans nom ni pedigree
Que j’appelle Rose de la Berthe
Pour me rappeler que c’est Elle
Sans doute qui l’a engendrée

A moins que la rose gratuite
Fleurisse en ce coin de France
Entièrement par inadvertance
Pour mieux éclairer ma cuisine

J’ouvre le volet et la rose
Déploie son matin triomphant
Grossit d’un pétale, s’embaume
Car cette rose roturière
N’oublie pas d’offrir son parfum
A qui a le nez sur la main

A cette rose anachronique
Je dois un soleil qui m’abrite
Des rhumatismes et temps de chien
Je dois des photos qui répètent
Pour les lendemains sans chansons
Quel air peut prendre pâmoison

Bon ! Cessons donc ce bavardage
Ma rose n’a pas besoin de tant
D’étalage de bons sentiments.
Mais j’ai voulu pour elle et moi
Que vous la teniez dans vos bras
Juste un instant …

C’est une rose toute petite
Une gamine invétérée
De quinze et soixante ans passés

Si vous saviez comme elle vous aime
Elle a tant besoin de chansons
Elle a tant besoin de poèmes
Avant de finir sa saison !

16 décembre 2005

MOT CAILLOU

Toucher, entourer de ma paume ce caillou breton brodé d’écriture que Solange m’a offert.
Il est froid. Il est lisse et doux. La lettre ornée peinte sur sa peau en un léger relief que mon pouce souligne.
Toucher le doux et le subtil, le réchauffer
De mes deux mains, de mes deux paumes, le prendre en son entier. Jusqu’à mon front le porter. Ressentir autre foi au milieu de mon front.
- Inutile caillou, pierre des origines, qu’as-tu donc à me dire ?
- Rien que tu ne saches déjà. Je suis là. Tu es là. Tu cherches moins à comprendre l’énigme de ma forme que l’insatisfaction de la tienne toujours en recherche de vagues qui la poliraient mieux.

Ce caillou dans ta main c’est l’inconnu de l’autre que tu veux absorber. Nomme-le Dieu puisqu’il ne parle pas, parfois répond …

***
Sylvie Germain « Magnus »
"Ecrire, c’est descendre dans la fosse du souffleur pour apprendre à écouter la langue respirer là où elle se tait, entre les mots, autour des mots, parfois au cœur des mots."

15 décembre 2005

LES MOTS BLEUS


A tant écouter tes mots bleus
Ma peau en avait pris des vagues
Affolées lorsque l’océan
Prenait la houle de ton sang

A tant espérer tes mots nus
J’en vins à me vêtir d’écailles
Une à une tu les soulevais
Jusqu’à découvrir mes secrets

Si bien qu’à tant tenter encore
De saisir de tes mots l’extase
Je fus saisie à bras le corps
Comme tu fus pris à fleur d’âme

Et bleus et nus, les mots mêlés
Se mirent soudain à se taire
Nos peaux à sentir sans toucher
Nos vies conjuguées sans grammaire

14 décembre 2005

GOUT DU MOT-JOUR


Marie Rouanet « Quatre temps de silence »
« A six heures du matin, le monde est en naissance et le gâteau du jour n’est pas encore entamé. Est-ce à moi seule qu’il appartient que son goût soit sans amertume ? »
***

Le jour s’était levé avant l’aurore
Un jour fringant

Un jour de pétale de rose sur une soucoupe en porcelaine

Un jour de montagne bleue reposant calme dans son pré comme une génisse en gésine

Un jour, on aurait dit « de miel » si les abeilles ne s’étaient rebiffées et n’avaient, grondantes, proclamé qu’elles travaillaient aussi bien de jour que de nuit

Le jour s’était levé du bon pied. On pouvait voir dès ses tout premiers pas qu’il ne s’arrêterait pas en chemin.

« Il y a un mur entre nous » dit-il et je me levai aussitôt pour abattre le mur.
Je pris ce qui me tombait sous la main
Le mot AURORE qui roule des AU graves et des O légers sur une route insoupçonnée la veille, avec des creux et des cassis
Le mot MONTAGNE. Il suffit qu’il s’installe pour que ma page s’élève, descende, cascade un peu, s’évase, se profile … Un mot de passe pour le mouvement, l’élan, l’assurance. Un mot solide comme roc.
« FRINGANT » vint ensuite sans doute pour approcher de moi un fier coursier métaphorique qui chevaucherait le jour en tous sens …

Sans mur, sans marteau-piqueur, mais avec la soucoupe en porcelaine, le jour et moi avons déjeuné à la santé de l’aurore.

13 décembre 2005

ODEUR DES MOTS


Les doigts pleins de l’odeur des verveines

Que je viens d’effeuiller dans la boîte pour l’hiver

J’ai besoin de papier blanc pour un regard de plus vers cette immensité que je sens en moi et que je ne renonce pas à explorer sous toutes les latitudes

« Les doigts pleins de l’odeur des verveines » Le rythme de la phrase, l’odeur au bout des doigts, je laisse aller ma guillerette envolée du jour immaculé
- immaculé ! N’exagère pas ! Déjà tâché, ça et là, de quelques pensées adventices …
Pensées vers toi, si différent sans doute dans tes instincts et mouvements du matin
Et si proche pourtant, de t’avoir senti proche, si proche qu’un désir d’absorption m’était venu, me revient
- les doigts pleins de l’odeur des verveines -
Absorption dans tous les sens du mot et avec tous mes sens

Prendre Etre prise – Sentir Etre sentie
Emerveillement des coïncidences, des connivences entre nos différences
Comme si elles pouvaient se passer de dire, d’explicatif, de raisonné et raisonnable. Rester ce qu’elles sont tout en se confondant le temps de la rencontre

Je porte mes doigts vers mon nez car, à se crisper sur le crayon, ils sont en train de perdre l’odeur des verveines
Et je voudrais encore la ressaisir pour la donner aux mots : odeur forte, subtile, étrangère à la poussière des jours gris … Pas une odeur de « tisane » avec tout ce que ce mot a pris de maladif et de renfermé
Une odeur qui chante
L’odeur des verveines sur pied quand elles éclaboussent le jardin et les autres plantes moins féroces à s’emparer de notre nez
Une odeur triomphante en chanson d’allégresse.

12 décembre 2005

MOTS EN NEIGE



Impossible de dire la neige
avec des mots déjà servis
le matin le gel a raidi
le dictionnaire

Le soleil se lève, échancrure
rose sur veston de ciel gris
Le sapin bleu retient sa bure
lourde de nuit

Ce blanc n'est pas une imposture
n'est pas régulier et uni
C'est un blanc collé sur verdure
un blanc de suie

Un avion sur la chaîne trace
une ligne ininterrompue
et le ciel cloue en même place
ses bras dessus

Comment murmurer des mots tendres
à neige froide du dehors
Sur la vitre je peins Décembre
en lettres d'or

Les mots m'ont donné leur accord.

11 décembre 2005

TANT DE MOTS


Dimanche de mots

Voilà que se termine ma semaine anniversaire des mots du passé. Et voici que commence la nouvelle où je demanderai aux mots quels sont leurs cinq sens. Toucher, sentir, entendre, voir, goûter les mots …
Mais avant de quitter ma terre des origines, que j’ai d’ailleurs retrouvée hier et fixée en quelques photos sous le vent froid, je reprends ce chemin de murmures.

Tant de mots m’ont visité depuis ma naissance qu’à chaque pas je les entends murmurer.
Je les vois se mouvoir, rejoindre de plus en plus et au plus près, les plus secrètes de mes mouvances
Je reconnais à leurs déhanchements l’écorce du platane, les branches du grand saule, les glands du chêne, et pour le cerisier l’échelle qui menait à ses boucles d’oreilles, à ses rouges à lèvres de jeunesse effrontée
Le soir aidant, je classe leurs combines. J’ai des boîtes à boutons, des boîtes à chocolat, des boîtes à rimes, des boîtes à mots. Quand je tourne le dos aux vieux mots du terroir que je crois démodés, quelqu’un ( kokion) frappe sur mon épaule
- eh ! mon pitji trubi !
je me retourne et je sursaute
- que té qu’te vou ? Que foutjé fore ?
Mais personne ne répond
Il faut reprendre alors le son de la musette et sur l’accordéon jouer des quatre coins
Je classe les échos, je répare les antennes. Je me fais libellule, je renais coccinelle. Et je suis fouine et belette pour fouiner, beloter au fond de ma mémoire ces éclats de voix vives aujourd’hui disparues …
Mais qui parlaient si fort, à tout bout de champ, de l’un à l’autre côté de la saison, qu’elles ont marqué dans des sillons de terre - du moins je veux le croire – inaltérablement, leurs colères paysannes, leur courage de gueux …
Et puis je vais aux livres, aux grandes voix superbes. J’escalade les iambes, marche l’alexandrin, me pend aux lisses, me prend au verbe ;
Si bien qu’à la cuisine la soupe bout en potage, la tambouille en mets fins, le coq au vin mêlé au coq à l’âne …
Je suis laborantine : je me veux échevin. Je promulgue interdits, multiplie les rencontres, organise colloques, festivals, incendies, voire feux d’artifice.
Je suis costume et costumée, costumière, lecteur public, écrivaillon privé, pisse-copies, boute-chimères, infante et douairière
A la ligne je vis
Entre les lignes je m’endors

A l’écrire, à le lire, à le dire, à le mettre en bouche et en papiers collés, l’amour est le plus fort. Le chagrin se détourne et plus je prends de l’âge, plus je perds mes soucis de rides. Les lignes de ma main se tournent avec les pages.
« Un seuil sans fin » comme dit le poète américain rencontré l’autre jour*.
Un chemin de murmures sans retour.

* Jack Hirschman « J’ai su que j’avais un frère »

10 décembre 2005

MOTS DU VILLAGE




Mon village est à l’heure des trois-huit et des normes
Mon village est à l’heure d’la télé, du tiercé
Au bal du samedi soir il parle si bien pop
Que j’en reste pantois
Mais pour les vieilles choses il me parle en patois
Alors je prends l’ornière du sentier sous les ormes
Je monte en char à banc pour pouvoir mieux rêver
Mon cheval me conduit de son pas familier
A Payerne ou au Chon, à Thuey ou à Pignier
Qu’importe où nous allons puisqu’à chaque maison
Il y a un ami pour offrir un canon
« Bonzo ! come té qué vo ?/ bonjour comment vas-tu
é vo plouvre deman /il va pleuvoir demain
de voua rentro mon fin /je vais rentrer mon foin
voukje te boye on co d’man /veux-tu que je t’aide ?
ton pitji a grindji come té don qu’te l’appelles /ton petit a grandi comment s’appelle-t-il ?
allez a revar Francis ! lo bonzo à l’anzèle ! / allez au revoir le bonjour à Angèle»
L’patois de mon pays est le sel de sa terre
Il a l’odeur de pomme et d’aubépine en fleur
Et l’odeur de fumier aussi et de sueur
L’patois de mon pays n’est pas pour gringalet
Et s’il vous parle dru il parle sans chiquet
Ecoutez-le conter les veillées sous la lampe
Les noix que l’on mondait, les vendanges en commun
Ecoutez-le conter car peut-être demain
Il sera dans les livres ou bien dans les musées
Mais personne au village ne saura le parler
Mon village est à l’heure etc …
Mais pour les vieilles choses il me parle en patois

09 décembre 2005

DERNIERS MOTS

Car, ce jour-là, ma mère, le temps était gris. Tu guettais par la fenêtre l’annonce d’un printemps qui ne viendrait plus. Le plus rude dans ces avertissements d’un ciel plat sur les peupliers immobiles, était ce silence clos sur l’horizon. Tu m’en voulais de tenter d’échapper sans toi à la marque du temps posée sur le paysage. Ton regard disait « assez ! ». Je ne voulais pas entendre. Je lançais mon pinceau maladroit à l’assaut de la morgue de ce ciel en transit. Je voulais faire rire l’horizon, lui redonner une lumière-présage bleue. Peut-être découvrir dans un recoin une dernière fleur à t’offrir. Tu aimais tant les fleurs ! « Et dire qu’il faut quitter tout ça ! » Je savais que, dans cette grisaille d’automne, tu dénonçais l’injustice des saisons quand, précisément, on vient de découvrir la qualité de chacune. Tu désignais d’un geste las « tout ça ». Moi, continuant à saisir quelques traits d’arbres, quelques paroles à ranimer à l’angle froid des branches sur le ciel, je faisais taire mon sanglot.



Derrière la vitre un chant d’oiseau a retrouvé du temps la trace grise et bleue. Peut-être, dans sa voix, les notes de ton agonie ou le salut par delà les nuages que tu m’adresses.

08 décembre 2005

MOTS DE MON PERE


V’là la pichole qui m’est revenue
c’matin en ouvrant mes volets
Grande, béante, reconnue
pleine de pommes et de noisettes
ou du cresson de la rivière
ou des anguilles et de lottes
enveloppées dans l’herbe fraîche.
Je l’ai expliquée à mon Pierre
éblouie qu’elle soit encore
grande, béante, et si pleine
que je peux y puiser l’aurore.
- Une poche spécialement
cousue à l’intérieur
pour se protéger des voleurs ?
Mais non, bêta ! Une pichole
n’est rien autre que cet espace
récupéré à cœur ouvert
entre chemise et flanelle.
C’est vaste comme une maison
On peut y faire entrer le ciel.
C’est plein de surprises, c’est bon …
Parfois elle revient de l’usine
avec des roses-des-prés tout blancs
Parfois elle grimpe aux tiges fines
et te ramène … une chambrotte (sauterelle)
ou un quincouarne … (hanneton)
Si tu voyais comme je vois
ces poils follets blonds qui dépassent
sans me regarder dans la glace
je sais que j’en pleure de joie.

Rien qu’un mot soudain redonné
noyant l’absence en son filet
me rendant jusqu’à la voix muette
qui annonce encore des cueillettes.

Des filles ont eu pour père un roi
un directeur, un maître d’école
Moi, c’est le Roi de la Pichole
qui m’a faite de ses dix doigts
passée par le sein maternel
entre chemise et flanelle.

07 décembre 2005

MOTS BOURFLEURS

BOURFLER, CABASSER et autres joyeusetés

N’allons pas croire que notre époque est la seule à se distraire par la violence. Jetons un coup d’œil aux textes historiques !
Le 29 Juillet 1710 à Grenoble : le sieur Jeoffray s’ « en fut souper chez le sieur Clayet avec les sieurs Joly, Michal, Roly, Domingeon, l’abé Joly et autres et après avoir soupé ils furent boire de la liqueur a la Grenette et se retirant par la Grande Rue fut assassiné par une troupe de satellites ( !) cachés dans les allées et aux coins des rues avec des espééz, des caillous et de gros bastons … » Il « fut tellement meurtri qu’il en resta sur place et il est certain qu’il aurait été achevé si … » Bref ! La racaille fut dérangée et un laquais du seigneur président DU BOUCHAGE ramassa sur la chaussée les bâtons cassés. D’où la requête du dit « assassiné » auprès d’un juge pour obtenir réparation.
« U se sont bourflo. Na tropo de charopes, qu’ayant bien de vourientise, le ont cabassié avo de rieutes. Monchu Cleyet eu sa vesta tota deguirir, eu l’en desempilli, tiregouilla dien to lo senses, marpaillia. U en rechia na bouna cabassia » C’est ce qu’on peut imaginer du récit entendu au Bouchage. Traduction : Ils se sont battus. Une troupe de canailles, pleins de méchanceté, les ont tapés( « sur la tête » CAP en occitan) avec des bâtons. Mr C a eu sa veste toute déchirée, ils l’ont tiré dans tous les sens, meurtri … Il a une reçu une bonne dégelée !
Car les chansons qui nous restent évoquent l’humeur belliqueuse de nos ancêtres qui, on le sait, sont « des magnauds teribles qu’on doble nerfs et que fon to tremblo » Surtout quand ils ont un canon dans le nez !
« é ni aré su toble que na fiole (et il n’y aurait sur table qu’une bouteille)
don co de poing n’en fotron vingt pe bas » (d’un coup de poing en mettrait vingt par terre)
Ne pouso pas la nia de cela sourte ( ne poussez pas de la sorte la compagnie)
Lo co de poing ne cutent po grand liords( les coups de poing ne leur coûte pas cher)
E vo poré vita prindre la pourte (et vous pourriez vite prendre la porte)
Si pe malu vo lo ayant piato … » (si par malheur vous leur aviez marché sur les pieds)
Dans la chanson sur le divorce la payse qui veut se débarrasser de son encombrant mari lui demande « Cesso de me bourflo ! »
On peut douter de la vérité des chansons mais quand on revient à un autre texte officiel que peut-on lire ?
« A l’issue de la messe paroissiale d’Aouste, aux portes des églises d’Aouste et de Chimilin, le dimanche 2 Août 1789 se rassemblent au nombre de plus de cens cinquante les habitants de tous les ordres de la communauté pour délibérer sur les affaires présentes » à savoir « plusieurs bandes de brigands se transportent dans les villages et y mettent tout à feu et à sang /… / et plusieurs citoyens ont été victimes de ces misérables qu’il est absolument nécessaire de s’opposer de tout son pouvoir a leurs incursions »
Voilà c’est ce dont je voulais vous faire part au cas où vous croiriez que les gnons, les volées de bois vert, les pignées, ne seraient que l’apanage de notre triste époque !

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06 décembre 2005

MOTS MERE-HUGO

MOTS DE MA MERE ET DE VICTOR HUGO

- Dans l’abîme insondable du temps
Souffle la bouche d’ombre
- N’oublie pas ton quèque et tes gants
(à cet endroit c’est ma maman)

Car à l’aurore de ma vie
Ma mère m’a dit « le jour se lève »
Peu importe que le poète
En d’autres termes l’ait repris !

Le jour se lève . Ouvre les yeux !
La page est blanche
C’est la première bonté de Dieu
Qu’il va falloir que tu chantes

Et elle chanta. Pour chaque jour
Elle a chanté à la margelle
Pensive, compta les hirondelles
Quand l’automne vint à son tout

Elle en connaissait un rayon
En tarte, en lait, en confiture !
« Récite-moi ta récitation !
Déjà tu pars, le temps me dure. »

Le temps dura. Tant de volumes
A feuilleter entre ses doigts
Escarpement des solitudes
Grotesque des biches au bois

Exil des mots quand la mémoire
Fait mine de tout effacer
J’ai grandi dedans cette histoire
Que ma mère m’avait inventée

Bien sûr j’ai lu ! Avec Victor
J’ai survolé les environs
Et ne saurais vous trouver tort
D’en recommander un rayon

Mais c’est de ma langue charnelle
C’est de ma terre maternelle
Que me reviennent les échos

Dix mots Dix mots
Et davantage Rappellent
Cent mots d’Elle Ecole du village
Mère Courage J’ai grandi
Entre deux pages

05 décembre 2005

BEROTTEE DE MOTS

Après ma mère
je sais qu’il y aura plein de choses à faire
de graines à semer – surtout des graines ! –
En chaque salade pommée
en petits pois bien durs à écosser
je sais qu’il y aura sa voix et ses lamentations
devant tant d’abondance
à égrener, à conserver, à replanter sans cesse
Et même ces jours pleins dont Dieu nous fait cadeau
je sais qu’il me faudra les enrober de crainte et de ressentiment
- Sait-on jamais ? Si Dieu n’entendait pas chaque matin
tout ce que ma mère lui reproche
peut-être arrêterait-il le monde ! –

Pourtant je sais aussi
qu’à force d’habitude et de malice
Dieu me continuera la terre et le travail et la misère
A ma mère, logée à la cuisine de la maison de Dieu
en train de fricasser un poulet
ou de dépecer une anguille de rivière
en rouspétant bien sûr
contre hommes et dieux, pêcheurs et goinfres
Je sais que Dieu dira
-sans doute en patois pour se la concilier-
« no van qui on bero de travè pe ta filha »
(nous allons chercher une brouettée de travail pour ta fille)
et posera sur le pas de ma porte
sa berottée de mots.
Et qu’en ferai-je ?
J’irai les donner aux lapins avec l’herbe
aux poules avec le grain « Petits ! Petits ! Venez ! »
Ma mère fera remarquer à son hôte
que tout seigneur qu’il est
cette année est trop froide ou trop chaude
qu’elle va gonfler les ventres et donner la pépie
que le temps se détraque
et que les dictionnaires ont tellement changé
qu’on ne sait plus si ça a un sens tout ça !
Dieu lancera à la volée ses éclats de voix
Ses rires, ses tonnerres
Et moi,
ruisselante de mots, éperdue de bonheur,
ouvrant mes bras, mes cœurs, mes mains
et tout le Saint frusquin
Je crierai :
« Bon Dieu de Nom de Dieu de Bon Dieu
toi qui as pris ma mère
Arrête un peu de me la redonner
chaque jour dans ma gorge et mes rêves
Laisse-moi oublier que son ombre est trop grande pour y dormir
Donne-moi le silence un peu
avant que de finir.
(Lettres d'Automne 1990)

04 décembre 2005

HOMMAGE DE MOTS

Cadeau d’anniversaire

LA BELLE AGE

Le tocsin pour Gelzy
va résonner six fois
d’une cloche frappée
par un airain feutré
Blam !
Le reflet des agathes
Le bleu sur page blanche,
La passion dans les mots
Déjà se terniraient,
Blam !
« Non je ne tairai pas
les visions de mes yeux,
les couleurs de mes biens,
la grâce des petits. »
Blam !
L’éditeur est venu
Il lui faut deux cent pages
Ou plutôt rien du tout :
Ce crétin ne sait rien …
Blam !
Car Gelzy veut parler,
Parler pour être lue,
Parler pour célébrer
La multiplicité …
Blam !
Gelzy a tout son temps
Pour éclore les uns
Illuminer les autres
Et compter les étoiles.
Blam !
Nous lui ferons un lit
Pour coucher ses poèmes
Et réchauffer les plumes
Que Pierre aime à lisser !
Bling !

Martin 17/09/98

03 décembre 2005

MOT-COURGE



Depuis l’importation d’Haloween en France les courges se vendent bien. Il est vrai que les variétés ont été améliorées. Au village elles ont rejoint les étals de pommes et la moindre terre à ensemencer est récupérée pour cette nouvelle manne. On porte le prix directement sur l’écorce avec un feutre. Si le spécimen est vraiment très gros on accepte d’en tailler une tranche. Mais l’amélioration de l’espèce a aussi limité la taille des cucurbitacées et le plus souvent le client repart avec sa courge sous le bras. De nouvelles recettes ont fait leur apparition, propagées par les foires à la courge, fêtes de la courge, qui ont fleuri autant que les fêtes de la pomme.
J’ai acheté du pain de courge qui est en fait une brioche. Je suis allée le partager avec Ernest, aussitôt branché sur les souvenirs de pain de courge de sa mère et de sa grand-mère. Comme je lui rappelle le mépris dans lequel était tenu ce fruit-légume dans notre enfance il me cite son père
« Quand tu vois une courge dans un champ, tu la voles, tu pisses à la place : tu n’as rien volé ! »
Je cite ma mère « Le gratin de courge il n’y a que ce que tu y mets dedans qui est bon « ( les œufs, la crème, le gruyère)
d’où l’expression de « courge » pour nous qualifier, nous les filles, quand nous n’avions guère fait preuve d’intelligence « Espèce de courge, courge que tu es … » = grande bugnasse ! benette ! Peu dégourdie !
Pimenté du Clinton d’Ernest au goût inimitable et de notre conversation, le pain de courge de la boulangerie était délicieux. Et la lecture des sonnets d’Ernest prenait la couleur mordorée d’un somptueux couchant.
Il a accepté que je propage cette allusion à Virgile dans ce sonnet à son ami Georges qui rejoignait par un heureux hasard la lecture du blog de David la veille. Cependant que la photo de la courge décorée d’Ercole exposée sur le chemin n’a pas besoin d’autorisation de parution puisque qu’il l’offre à tous les regards des passants.

G
Géorgiques
Ton prénom, vert clin d’œil aux mânes de Virgile
Trouva terre à son gré en la Savoie voisine
Où, d’alpe en alpe, vont des troupeaux de tarines
A la campane claire, à la démarche agile.

De Virgile à Vulcain, de l’araire à la forge,
La glèbe tu domptas par le feu et le fer

« De cueurde » en patois qualifie (en mal) un mauvais melon par exemple. Pour moi les mots d’Ernest qui allient l’accent de notre langue de terroir à la délicatesse du beau et bon français, ce n’est pas « de cueurde » mais du nan-nan !

02 décembre 2005

PLUIE DE MOTS, MOTS De Pluie


Les lettres du mot PLUIE
dégoulinent sur le papier
P piteux pleurnichards
L mouillés misérables
U en auges remplies à ras bord
I qui s'irisent, déglutissent
et, sur le sol, en flaques désolées
E tourmentés que le bât blesse

01 décembre 2005

PAIN DE MOTS POUR DECEMBRE



Je ferai collection de mots
Pour les mener jusqu’à Noël
De vieux mots ramassés la veille
De mots tout neufs clinquants et beaux

Et comme pour les confitures
Je cueillerai les espaliers
Les dresserai dans le grenier
Jusqu’à retrouver leur voilure

Alors la mer, le ciel, mon cœur
Renaîtront dans les mots qui passent
A les regarder dans ma glace
Je verrai fondre leurs couleurs